Drôles de chatons blancs…

Printemps 2011. Nous revoilà Esquisse et moi dans notre grenier préféré. Elle, replète et détendue, somnolant dans son panier. Moi, inquiète et aux aguets, faisant semblant de lire en surveillant son bidou.
Soixante cinquième-jour, c’est aujourd’hui que ça se passe, qu’on se le dise !
Après des heures de calme exaspérant, Maman-chat se met soudain à arpenter la pièce, affairée, et s’installe dans sa caisse de mise bas pourtant copieusement boudée jusque là. Tempête en mer dans le bidon : des vagues de dix  mètres déferlent sous la fourrure : contractions d’expulsions ! Bouquin oublié, matériel rassemblé, parée à l’accueil des bébés.
Du noir du bleu, du roux, du crème, de la Tortie, quelle sera la couleur de premier petit loup ? La réponse apparaît dans une ultime contraction ronronnante : Jaune citron !
Hé ?? Ben oui, jaune citron.
Le moment de stupeur passé, je rationnalise : le jaune, c’est le méconium, le bibou a dû rester un peu coincé mais va très bien. Je nettoie, je sèche, et je constate : le petit est blanc !  Pas une tache, pas une ombre colorée, pas une nuance, il est tout entier d’un blanc éclatant. Sauf qu’avec deux parents de couleur, c’est impossible. Ce bébé immaculé n’est génétiquement pas blanc. Voilà.
Sauf que blanc, il l’est à m’en crever les yeux. Alors quoi, c’est un crème ultra smoke / silver / shaded ? Ou la « couleur interdite » : un Colourpoint ?
Je n’ai pas le temps de me repasser mentalement les pedigrees, car voici qu’arrive son colloc’. C’est une blague ?!  Blanc aussi !! Quoiqu’un peu moins éclatant que son frère. Comme le décrira plus tard une éleveuse allemande, il est « café au lait avec beaucoup-beaucoup de lait ». Celui-là paraît crédible dans le rôle du crème-super-smoke-super-clair. Oui mais alors, il est quoi, le premier, du coup ?

 

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Naissance                                  2è jour

Me voilà à nouveau distraite de mes réflexions par l’apparition de l’arrière-train du troisième larron : Noir ! Une couleur qui existe, chouette !
Quatrième candidat à la naissance : Tortie ! Réglementaire, ouf.
Résultat des courses : Quatre chatons Angoras Turcs : deux assermentés et deux  outsiders.
Ni une ni deux, c’est l’heure du coup de fil à un ami et de l’avis de la communauté internationale : photos lâchées sur notre réseau social préféré.
Les commentaires affluents. Les paris sont lancés : Point ou pas Point ? Pour ou contre la reconnaissance de cette couleur par le LOOF ? Le débat Colourpoint est relancé et court encore !

 

● Les premiers jours passent. Les pointes d’oreilles de « Gauguin », le  chaton « lait au café » se teintent de sombre : c’est bien un Colourpoint ! Bleu ? Seal ? Les semaines suivantes trancheront.
Celles de « Garfunkel », le chaton « blanc » restent inchangées. Elles vont se teinter de roux clair quelques jours après son frère.

 

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 Les 2 CP, 4 jours  Le Seal, 4 jours

A 2 semaines, les points se marquent nettement : toute la surface externe de l’oreille est maintenant colorée, la queue commence à foncer et à révéler un patron tabby.

 

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 Red                               Seal

A 3 semaines, les pattes et le museau se colorent franchement. Alors pourquoi donc les miens conservent-ils un petit nez tout blanc et des pattes immaculées alors que les cuisses prennent des couleurs ?  Parce qu’ils sont bicolores, tiens ! Décidément ces deux loustics distillent les surprises.

 

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A 1 mois, la couleur ne fait plus de doute : Le chaton « blanc » à la naissance est devenu Red silver Point et blanc, le chaton « beige » à la naissance est devenu Seal silver Point et blanc.

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A 2 mois, le masque foncé du Seal est bien dessiné, celui de Red, bien plus clair, n’est encore qu’une ombre. Non le Red n’a pas mis le nez dans la gamelle ! La trace rousse sur le côté droit de son nez est la couleur du masque fendu par une flamme blanche légèrement asymétrique, comme celle de son frère.

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   Seal

● A 3 mois, la couleur est en place et bien tranchée ! Elle s’accentuera encore au fil des mois.

 

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 Red  Red

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Que l’on soit passionnément favorable, ou farouchement opposé à sa reconnaissance France,
il est une couleur délicate et subtile, timide aux premières heures de vie, mais  enhardie par le temps, qui pare nos chats d’un manteau changeant, noble et précieux.

 

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Garfunkel (Gaïus)
Red mackerel tabby point et blanc
Gauguin
Seal silver mackerel tabby point et blanc

 

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Colourpoint : un peu de génétique

 

Chez le chat, la répartition de la couleur sur le corps est dirigée par le gène « C ».
L’’allèle sauvage « C », détermine la coloration du chat dans la nature, il est dominant et tout le corps est coloré.
C’est l’allèle «cs» qui  donne le patron “Colourpoint”, qui caractérise les Siamois, Birmans et autres Colourpoints. Le chaton naît entièrement blanc, puis se colore progressivement, en commençant par les extrémités. Les yeux sont bleus.
L’allèle « cs » est récessif, ce qui signifie qu’un chat colourpoint est « cscs » et ne peut être issu que de parents tous les deux colourpoints ou tous les deux porteurs de colourpoint.

 

Exemples :

♦ Un chat «CC» est entièrement coloré. Il ne pourra avoir de chatons colourpoints, même marié à un colourpoint ou porteur colourpoint.

 

♦ Un chat «Ccs»  est entièrement coloré mais porteur de colourpoint. Marié avec un autre chat colourpoint ou porteur de colourpoint, il pourra produire des chatons colourpoints.

 

♦ Un chat cscs est colourpoint. Marié avec un chat colourpoint ou porteur de colourpoint,  il pourra produire des chatons colourpoints. Marié avec un chat non colourpoint ou non porteur, il n’aura pas de chatons colourpoints.

 

La couleur Point n’étant pas actuellement reconnue par le LOOF, il existe un test génétique qui la dépiste. Plusieurs laboratoires accessibles à tous proposent ce dépistage.

La couleur « Point » est le résultat du disfonctionnement (mutation) d’un enzyme, la tyrosinase, qui intervient dans la fabrication des couleurs chez le chat. La tyrosinase est prévue pour fonctionner à la température corporelle du chat.
Or, chez le Colourpoint, la tyrosinase est incapable de fonctionner à température normale. Avec la chaleur du corps, l’enzyme est inhibé, la production de couleur est presque stoppée, le poil reste quasi blanc. Mais aux extrémités, ce qu’on appelle les « points » (nez, oreilles, « chaussettes » et queue), la température est plus fraîche, la tyrosinase fonctionne, les points se colorent.

Voilà pourquoi le chaton colourpoint qui a passé neuf semaines au chaud dans le ventre de sa mère naît très blanc et ne colore ses « points » qu’au fil des semaines.

 

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